Comment arrêter un chat sur pure — et comment le faire bien
Ghoster, c’est mal, c’est sûr. Mais mettre fin à une discussion sur l’appli de rencontre n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît, on en sait quelque chose. Maria Potudina, une psychologue, nous explique comment bien terminer une conversation sur Pure, comment dire “non” et pourquoi on déteste autant le conflit.
Honte et culpabilité — un traumatisme de l’enfance
Donc tu es sur Pure en train de discuter avec ton match. Vous échangez des photos et ton match t’envoie quelque chose qui te déçoit un peu. Soit ce n’est pas ton genre, la ressemblance avec les photos de l’annonce sur l’appli de rencontre n’est pas flagrante, ou tu n’es pas à l’aise avec quelque chose qu’il a fait ou dit. Autre possibilité : il a envoyé des nudes impromptus, et ça, ça ne te plaît pas. Maintenant, tu es gêné.e, et tu aimerais couper court à cette conversation sur l’application de rencontre et explorer d’autres horizons. Comment faire ça proprement sans le blesser ? Respirer un grand coup et le faire rapidement ? Oui, c’est une option, mais la situation n’est pas aussi tranchée. Regardons ça de plus près. Pourquoi a-t- on autant de mal à dire non ? Pourquoi c’est bien plus facile de disparaître au lieu de dire directement à la personne pourquoi tu préfères t’arrêter là ? Comment gérer les conséquences un peu amères de tes actions ? Mais quand tu te retrouves à être la personne ghostée ? Ce n'est pas très agréable. Et il y a une bonne raison à cela : on ressent un vide là où il y aurait dû y avoir de la communication et de l’honnêteté.
Dans presque tous les cas, ça vient de notre enfance. (Vous saviez que j’allais dire ça, je suis une psychologue après tout.)
Qu’est-ce qu’un enfant doit faire pour obtenir l’approbation et les compliments de ses parents et de la société en général ? Exactement : être obéissant.e et agréable.
La majorité d’entre nous a été éduquée avec l’idée qu’un enfant doit être obligatoirement reconnaissant, juste parce qu’il été mis au monde (cette idée est discutable, mais c’est un autre sujet), et que tant que nos parents s’occupent de nous - en nous nourrissant, en nous éduquant, en acceptant nos caprices (qui sont normals de la part d’enfants, soit dit en passant, mais peuvent être insupportables pour un parent) - alors on leur doit d’être sages.
À cause de cette attitude insupportable, la lourde croix de la parentalité, et souvent notre naissance-même, on ne ressent pas de la gratitude, mais de la culpabilité, de la responsabilité et de la honte. On internalise la responsabilité de la colère de nos parents et celle de tous les sentiments qu’on leur fait ressentir.
On pense qu’il est nécessaire d’être arrangeants pour ses parents et de ne pas les déranger parce que c’est assez difficile comme ça de nous élever. Surtout, il est très difficile pour un parent de gérer l’imprévisibilité, l’immaturité et le développement d’un enfant. Alors on commence à penser qu’il est nécessaire d’interférer le moins possible dans la vie de nos parents, dès le plus jeune âge, et, à la place, on se contrôle et on s’auto-régule.
On ressent aussi la pression d’être à la hauteur des attentes des autres, en se comportant comme nos parents pensent bon, même si ça nous blesse (car leurs attentes sont plus importantes). On essaye d’être parfaits d’après les critères de nos parents, car les imperfections de notre personnalité et de notre développement d’enfant mènent à des punitions, à perdre l’amour et l’approbation de nos parents, et souvent à des méthodes de manipulation comme de se faire ignorer.
Et cette habitude d’être “arrangeants” ne nous quitte pas, et s’immisce plus tard dans chaque aspect de notre vie et dans chaque situation où on a l’impression de faire quelque chose de mal. Peu importe qu’on soit maintenant adulte et plus dans une dynamique parent - enfant, c’est déclenché par le fait que ces sentiments aient été interdits, et pas par un événement précis. Que faire quand ça arrive ? Dans un monde parfait, on commencerait une thérapie et on apprendrait des méthodes pour gérer ces émotions difficiles. Mais ce n’est pas toujours possible.
Alors voici 3 conseils rapides et efficaces pour t’aider à arrêter la discussion sans aucune émotion négative et sans les conséquences qui vont avec:
1. I-message
Toute personne qui s’y connaît en psychologie a déjà entendu parler du phénomène du “i-statement” (“déclaration en je”, ndlr). Cette technique simple mais efficace t’encourage à gérer une situation en parlant de toi au lieu d’appliquer ce que tu penses à l’autre personne. Tes sentiments, tes humeurs et tes désirs - concentre-toi sur “tes”. Utiliser un “I-statement” consiste à décrire tes sentiments et à exprimer tes émotions avec une phrase qui parle de toi, et non de comment quelqu’un d’autre te fait te sentir. Ça commence en général par “je”, “moi” ou “j’aimerais”.
Au contraire, quand on utilise le “tu”, on accuse inconsciemment et on essaye de reprocher à l’autre de nous avoir causé telle ou telle émotion. Et c’est le chemin assuré vers une attitude de défense. Ton match se sent attaqué, sans défense et pourrait t’attaquer en retour : c’est le meilleur moyen d’arriver à un conflit.
Cette technique t’aidera à montrer à l’autre personne que tu te connais assez pour assumer la responsabilité de tes propres émotions et que tu ne veux rien reprocher à qui que ce soit. Ça facilite un dialogue sain dont personne ne sortira blessée
Exemples de “i-messages”
- Exprimer ses sentiments. Commence le message par je. “Je veux”, “je me sens … aujourd'hui", “je suis déçu.e quand quelqu’un ne ressemble pas à ses photos sur l’annonce sur l’appli de rencontre”, etc.
- Rester factuelle. On devrait annoncer clairement et simplement ce qui nous a déplu, pas besoin de tourner autour du pot. C’est important de rester objectif et de ne pas essayer de juger les actions de l’autre. On peut simplement décrire les actions qui nous ont mené à vouloir arrêter le dialogue et à être énervée. Le mieux c’est d’utiliser des phrases impersonnelles comme “ça m’énerve quand je reçois des nudes que je n’ai pas demandés, donc je vais quitter cette conversation. Passe une bonne journée.” ou “Je n’aime pas recevoir des messages comme ça”.
- Énoncer ses besoins. C’est important de préciser quel genre d’attitude on préfère. “J’aime qu’on me prévienne quand mon rencard est en retard.” ou “Je m’inquiète quand ma date est en retard parce que j’ai peur que quelque chose soit arrivé. Je préfère qu’on m’appelle ou qu’on m’écrive”.
Dans ce cas, c’est plutôt un scénario d’une rencontre que d’une discussion par message, mais cette technique du “je” s’applique à peu près à tous types d’événements auxquels tu peux être confrontée. Ça prend du temps d’apprendre à communiquer comme ça, mais une fois qu’on s’y habitue, on réalise à quel point cette stratégie change drastiquement la qualité de sa vie et de ses relations. Ça nous permet aussi de différencier nos émotions et celles des autres.
2. Être polie et faire des compliments
A ce jour, aucun cas d’énervement pour cause de politesse n’a été recensé. Honnêtement, tu ne vas pas perdre un doigt si dans le chat sur l’appli de rencontre tu écris quelque chose de sympa à la personne avec qui tu vas couper tout contact. Le plus simple est d’utiliser la technique du sandwich (non, ça n’a rien à voir avec un plan à trois). La technique du sandwich consiste à dire deux choses sympas autour de ton message pas si sympa. Par exemple : “T’es très sexy sur cette photo, mais je ne suis pas d’humeur ce soir, à plus tard. Je te souhaite des aventures extraordinaires !”.
Si tu as du mal à dire non, prépare un brouillon en avance, en prévision de ce genre de situations. Ce sera plus facile d’éviter la culpabilité et la honte que ça t’arrive à nouveau
Mauvaise réponse : Euh, tu ne ressembles pas à tes photos.
Bonne réponse : Waouh, belle photo ! Mais je ne suis pas trop dans le mood en ce moment. Je te souhaite une chaude soirée !
3. L’humour
Conseil pour les plus experts d’entre nous. Puisque que l’humour c’est compliqué et contextuel, et qu’on a tous notre humour à nous et notre façon unique de le comprendre et de l’exprimer, c’est important de l’utiliser correctement. La seule méthode sans risque, qui ne décevra jamais, c’est l’auto-dérision.
Faites-nous confiance sur ce coup-là. Plein de bonnes choses peuvent arriver quand on ne prend pas trop les choses à coeur ! Et faire des blagues sur soi, ce n'est jamais inapproprié
Quelle que soit ta méthode préférée pour couper court à la discussion, souviens-toi que l’honnêteté, le respect de l’autre et l’ouverture d’esprit sont indispensables pour créer des connexions sur Pure, même si cette connexion touche à sa fin.
Bonne chance !